THE CURE and I

Le hasard d’une soirée Arte, j’enregistre deux émissions, visionne, me souviens avoir vécu une Cure-mania fin des 80ies, oubliée et à contre-courant de mon sillon naturel (musique classique, rock 70ies), mais…

Je sors mes CD… HEAD OF THE DOOR, DESINTEGRATION, FAITH, KISS ME… Réécoute sur You’Tube les albums BOYS DON’CRY et PORNOGRAPHY, que je possédais en cassettes (enregistrées depuis le Passage 44, lors de ma période de découvertes tous azimuts).

Le son de Faith me ravit encore, avec All The Cats are grey, mais je sois moins convaincu par leurs morceaux plus sautillants. Une tranche de musique 1979-1989 qui m’a fortement imprégné, je l’oublie.

CONSIDÉRATIONS SUR LE ROMAN POLICIER

Historique

Bien sûr, pour lui octroyer ses lettres de noblesse, on a tenté de lui découvrir de glorieux ancêtres. Œdipe de Sophocle (5e siècle avant J.C.) ou Hamlet de Shakespeare. Et pourquoi pas ? Mais disons qu’il s’agit là de la préhistoire du genre.

L’histoire, quant à elle, pour la plupart des spécialistes, fait coïncider l’an zéro, ou la naissance du genre, avec la publication du Double assassinat dans la Rue Morgue de l’Américain Edgar Allan Poe, en 1841.

Le prototype

Un meurtre commis dans un lieu clos, inaccessible. Un meurtre sans meurtrier. Une enquête impossible que résoudra pourtant Dupin, l’ancêtre des Poirot, Rouletabille et autres Sherlock Holmes. Un premier thème qui aura une longue et prestigieuse descendance : La bande mouchetée de Conan Doyle, Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, La chambre ardente de Dickson Carr, entre autres.

Les véritables ancêtres

Mes études personnelles (mes livres chez Marabout, mon troisième roman, La Chambre close) m’ont révélé une très remarquable histoire de crime inexpliqué dans un lieu clos. Il s’agit de l’affaire de Maître Dumas, une anecdote savoureuse extraite des Mémoires tirés des archives de la police de Paris (1837) de Jacques Peuchet. Un livre méconnu mais important : Dumas y a puisé une autre anecdote, celle de la vengeance du cordonnier Picaud, qui a inspiré…Le Comte de Monte-Cristo.

En fait, il s’agit d’une supercherie littéraire (genre très à la mode au 19e), l’archiviste Peuchet étant mort avant la rédaction de son ouvrage, un faux attribué à un expert en la matière, le baron Etienne-Léon de Lamothe-Langon. Serait-ce lui dès lors le véritable inventeur du genre policier ? Ou le créateur de la problématique du crime commis dans un lieu clos ? On pourrait l’admettre, même si celui-ci n’a fait que développer un argument lu dans les Mémoires secrets de Duclos (fin 18e). Poe a-t-il lu le pseudo-Peuchet ? En a-t-il entendu parler ? Coïncidence ?

Plus largement, remarquons la préparation du terrain pour l’avènement du policier. La gothic novel du 18e (Le Château d’Otrante, Le Confessionnal des Pénitents Noirs, Le Moine) et du 19e (Melmoth, Les Elixirs du Diable) préfigure le thriller, ses émotions et ses frissons, ses mystères. Le public, les auteurs se détournent de la lumière, de l’avant-scène, des apparences, du confort petit-bourgeois pour aller regarder dans les coulisses de la société (et bientôt dans les poubelles). Au large les nobles personnages de Racine ou Corneille, le spectacle des batailles en plein air ou des cours savantes. C’est le règne des ténèbres qui se lève, celui des fantasmes et de l’inconscient. Sade, Choderlos de Laclos, Baudelaire. Et bientôt Frankenstein, les vampires.

Notons surtout l’impact énorme de Vidocq, dont le procès, Les Mémoires (1828) inspireront une partie de l’œuvre de Victor Hugo (Jean Valjean) et de Balzac (Vautrin, entre autres). Avec Vidocq, le bagnard devenu policier et célébrité, c’est le monde d’en bas, la misère et le crime, la prison et le vice, qui prennent possession de la scène publique. Un goût confirmé par le succès des Mémoires du poète-assassin Lacenaire (1836) ou la gloire du fictif Robert Macaire (la célèbre pièce L’Auberge des Adrets en 1833). Un goût qui fera l’énorme succès d’Eugène Sue (Les Mystères de Paris, 1842/43).

L’air du temps, donc, pour Poe. Précédé, côté anglais, par le sulfureux De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts (1827, Thomas de Quincey), une sorte d’essai sur le crime teinté d’une ironie incomparable.  

Les descendants

Poe fera revenir Dupin et son prototype policier dans Le mystère de Marie Roget et dans  La lettre volée.

Le flambeau est repris par le Français Gaboriau (1835-1873), dont l’enquêteur fétiche, Monsieur Lecocq, s’intéresse davantage à la psychologie des protagonistes, ou par Wilkie Collins (1824-1889), un grand ami de Charles Dickens. Gaboriau et Wilkie Collins ! Deux remarquables auteurs trop méconnus en nos contrées (NDLR : je considère Wilkie Collins comme un génie absolu, La Pierre de lune ou La Dame en blanc, entre autres, sont des chefs-d’œuvre atemporels).

Ensuite, il y aura le Britannique Conan Doyle, dont le Sherlock Holmes doit beaucoup à Lecocq et au sergent Cuff (de Wilkie). Un prodigieux succès, qui essaimera à l’infini. Agatha Christie en Grande-Bretagne, bien sûr (Hercule Poirot ou Miss Marple). Ellery Queen aux Etats-Unis. Gaston Leroux (Rouletabille), Maurice Leblanc (Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur mais justicier et donc policier déguisé) et Marcel Allain/Pierre Souvestre (Fantômas) en France.

Un premier courant

Cette première vague du roman policier, c’est ce que l’on appellera plus tard detective novel ou roman policier proprement dit. Un crime mystérieux a été commis, irruption de l’insolite qui dérange l’ordre établi et plonge dans le malaise.

L’enquête est essentielle. Il s’agit d’élucider une énigme, opération magique de restauration du sens et de l’ordre. Dans la foulée de l’enquêteur (policier ou détective), le lecteur épouse des raisonnements pour découvrir le Qui ?, voire le Comment ?

Le récit est donc avant tout cérébral et ludique. Aseptisé aussi, car les personnages, fonctionnels avant tout, ont rarement beaucoup d’épaisseur.

Un deuxième courant

Dans les années 20, aux Etats-Unis, un quotidien beaucoup plus violent et épique que celui des Européens (Dépression, Prohibition, apparition du phénomène de la Pègre organisée), génère une deuxième école du policier, le roman noir.

Avec Dashiell Hammett, Raymond Chandler et James Caïn, les pionniers, ou leurs suivants, le lecteur épouse la trajectoire et les interrogations d’enquêteurs (détectives privés, journalistes) aux méthodes peu orthodoxes, voire celles des criminels eux-mêmes.

Ces romans, qui, traduits, feront la gloire de la Série noire de Gallimard, acquièrent beaucoup plus de chair, une véritable envergure psychologique et sociale. L’enquête n’est plus le but en soi mais un prétexte à la dénonciation d’une société pourrie où des êtres humains tentent tant bien que mal de survivre, avec plus ou moins de dignité, de probité.

On parle aussi de thrillers, car ces ouvrages multiplient les scènes fortes (violence, cruauté…), ils secouent véritablement le lecteur. A l’encontre de la detective novel, l’émotion l’emporte ici sur la déduction.

Un troisième courant

Après la seconde guerre mondiale, nouvelle bifurcation, nouvelle ramification du genre. Des romans se concentrent sur la victime, le drame qui la frappe et la peur qui la poursuit. C’est le roman criminel ou suspense. Avec des pointures comme William Irish ou Boileau-Narcejac. 

Le roman policier français face à l’anglo-saxon

Nous avons cité Gaboriau, Leblanc, Leroux, Allain ou Boileau-Narcejac. Pourtant, le roman policier français, s’il existe depuis les débuts du genre, n’a pratiquement jamais eu l’aura de ses équivalents anglo-saxons, et sa production, quantitativement, ne fait pas le poids. Pourquoi ? Une question de culture.

Chez les Anglo-saxons, l’imagination l’emporte sur la raison, tandis que nos contrées sont encore soumises au joug de Descartes. En caricaturant, on pourrait dire que la France produit des écrivains tandis que l’Angleterre ou les Etats-Unis engendrent des romanciers. La manière de dire les choses pour nos voisins, ce que l’on raconte pour les anglophones. Flaubert ou Balzac, plutôt que Dumas, face aux Brontë et à Dickens. Proust et Céline plutôt que Simenon, face à Kerouac, London ou Steinbeck. Ellroy ou Harrison, aujourd’hui, face à Le Clézio ou Modiano.

Valeur/signification

Le roman policier est-il encore de la paralittérature ? Ou doit-on abandonner les cloisonnements poussiéreux opérés par des intellectuels grincheux ?

A notre avis, la question est dépassée, pulvérisée, d’un autre temps.  La plus grande partie des talents créatifs ont basculé aujourd’hui dans la contre-culture d’hier… qui est la Culture d’aujourd’hui. Pour un Proust génial, combien de romans psychologiques ou narcissiques qui ne font nullement le poids devant un film de Kurozawa ou Bergmann, une BD d’Allan Moore, un polar de Manchette ou un thriller d’Ellroy.

A qui doute de la valeur des thrillers et des polars, nous conseillons quelques lectures étoilées : Le Quatuor de Los Angeles (James Ellroy), Le Cercle de la croix (Iain Pears), La Créature (John Fowles), Le Quinconce (Charles Palliser). De véritables chefs-d’œuvre… toutes catégories confondues. De préférence aux baudruches d’Eco ou de Dan Brown, de préférence aux ouvrages formatés d’une Higgins-Clark.

Pour terminer, cette réflexion d’André Gide (Journal, 1944, Pléiade II, p. 321), à propos de Georges Simenon : « Il écrit pour le gros public, c’est entendu, mais les délicats et les raffinés y trouvent leur compte, dès qu’ils consentent à le prendre au sérieux. Il fait réfléchir ; et pour bien peu, ce serait le comble de l’art ; combien supérieur en ceci à ces romanciers pesants qui ne nous font  grâce d’aucun commentaire… ».

(dossier sur le roman policier commandé et publié par la revue Indications durant le premier trimestre 2005)

MON SUPER-HÉROS ?

Mon super-héros ?

« Bon Dieu ! Mais c’est… Bien sûr ! ». Un premier réflexe à la commissaire Bourrel. Très rapidement anéanti par la submersion. Un super-héros ? Mais… De tempérament très romantique et baroque derrière une fausse allure pondérée, je me suis exalté, emporté, incendié pour d’Artagnan et Mercutio, Thyl Ulenspiegel et Ben Hur, Sherlock Holmes et Sitting Bull, Spartacus… Puis Corto Maltese, Pardaillan…  Bien avant Lisbeth Salander. Tamisant à travers le flux et le reflux des réminiscences, j’ai songé à Zorro, Simon Templar/The Saint, Bob Morane qui m’avaient façonné en justicier dès mes primaires, conforté dans mes pulsions primales contre l’abus de pouvoir, la discrimination. Ah, ces sauts dans la mêlée pour enlever la veuve ou, plus volontiers, l’orpheline !

« Bon Dieu ! Mais c’est… Bien sûr ! ». Au débotté, une évidence a balayé les ectoplasmes de ma jeunesse. Je n’avais somme toute qu’esquissé des effleurements, négligeant une intrusion qui avait modifié mon rapport à la lecture, à mes attentes, renouvelé mon imaginaire des créneaux aux oubliettes.

« Bon Dieu ! Mais c’est… Bien sûr ! ». Spiderman ! Spiderman, intrinsèquement mais aussi comme maillon d’une chaîne. Ce choc copernicien peu après le 5 mars 1970. Je viens d’avoir 9 ans, je fais mes courses dans la librairie du village, j’achète de petites BD de gare, des récits de guerre, je découvre un fascicule bizarre, très… étrange. Strange. Un mensuel français, qui nous offre, remastérisés, des comics américains. Avec des héros… tels que je n’en ai jamais vus. Des super-héros. Au sens strict. Tel qu’il va s’imposer. Des êtres dotés de pouvoirs extraordinaires. Des mutants, des génies, etc. Les X-Men, Iron Man, Daredevil, Le Surfer d’Argent. La curiosité. L’achat. Le basculement. Dans un univers à mille lieues des canons (et des limites) de la BD franco-belge. Plus charnu, plus empathique, plus adulte. Hanté par des considérations sociologiques, psychanalytiques, philosophiques, métaphysiques. Trois dimensions face à deux. L’œuvre de Stan Lee et Jack Kirby, des démiurges secondés par mille petites et grandes mains (immenses si l’on évoque John Buscema ou Frank Miller), des Homère du XXe siècle, qui ont exhalé, exalté un monde parallèle fort de mille héros, mille séries qui se recoupent, tissant des liens inextricables. Un monde conjuguant l’épopée mythique et le soap US. Une cathédrale narrative. Une giga-comédie sur-humaine.

« Bon Dieu ! Mais c’est… Bien sûr ! ». Et bientôt s’impose la figure de Spiderman, archétype d’un héros qui renouvelle l’appréhension dudit héros. Revêtu de son déguisement, il se présente comme un super-héros voltigeant dans les airs, d’une puissance à délaver en une seconde tous les Morane et Templar. Mais. Rendu au civil, regagnant ses pénates au sortir d’affrontements olympiens, le voilà affairé, affaissé comme n’importe quel quidam. Des examens à passer. Une petite amie qui lui reproche ses absences, ses oublis (et pour cause !), des difficultés pour gagner de quoi se loger, survivre, une tante/mère de substitution cardiaque et des proches mis en danger par ses frasques. Des interrogations sur le sens de celles-ci. Catharsis vis-à-vis de traumatismes de jeunesse, mission humanitaire, penchants inavouables ? Et c’est bien le paradoxe de ces super-héros tout à la fois surhumains et incroyablement humains. Forts et faibles. Idéalistes et névrosés.

« Bon Dieu ! Mais c’est… Bien sûr ! ». Aucun héros, aucun super-héros ne m’aura jamais touché comme celui-là. Victime de mille malentendus. Honni, méprisé. Pauvre. Gringalet et intello de jour, empêtré dans des amitiés, des amours impossibles. Et je me souviens. Oui, je me souviens de cette atroce journée au cœur de mon adolescence où sa fiancée de longues et longues années, Gwen, la magnifique Gwen, ma Marilyn/madeleine, chut du haut d’un gratte-ciel engloutissant l’âge d’or de mes rêveries.

(article commandé et publié par la revue Indications en 2013)

MA DISPUTE AVEC UN LIVRE…

Ma dispute avec un livre…

J’aurais pu parler de ma rencontre avec le White Jazz de James Ellroy, ou plutôt avec un extrait, une lecture qui m’avait bousculé, je peinais à comprendre, à lire, à suivre le déroulement des faits et tombais à la renverse en songeant que d’aucuns évoquaient le plus grand auteur de littérature noire du siècle. Il ne s’était agi que d’un effleurement, nauséeux mais générateur de réflexions à l’infini, car, un jour, beaucoup plus tard, le même texte m’avait pris à la gorge, passionné, il avait renversé mon approche littéraire, mon exigence, mon travail. Il y avait eu deux temps dans l’appréhension et aucune dispute véritable.

Une dispute avec un livre ? Une rage qui vous pousse à lâcher ledit livre ou à hurler ? J’ai connu cela, oui, il y a quelques années.

Mon beau-père, aussi grand lecteur que mélomane… et laïc convaincu, militant, m’avait prêté un ouvrage qui l’avait enthousiasmé. Les Religions meurtrières d’Elie Barnavi.

J’avais entamé le livre dans l’appétit. Et de fait. Au départ, il m’entraînait avec allégresse dans la réflexion.  Sur ce qu’étaient la religion, le fondamentalisme, les liens avec la politique, les métamorphoses et évolutions des systèmes. On parlait des juifs, des chrétiens, des musulmans, on creusait, on croisait leurs identités. Le livre me passionnait, me paraissait du meilleur aloi.

Puis, soudain, un voyant orange s’était allumé, je m’étais crispé, le voyant était passé au rouge, j’avais éructé, explosé.

Car, sans l’air d’y toucher, le livre avait viré d’une foisonnante et productive étude comparée à une sorte de pamphlet contre l’islam et le monde musulman. D’ailleurs, ne s’adressait-il pas avant tout au lecteur occidental, qu’il fallait alerter ? « Pour vous, cher Européen perplexe et angoissé, pour vous armer contre un adversaire très différent de tous ceux que les siècles passés ont dressés contre vous. Il y va de vos valeurs, de vos libertés, de l’avenir de vos enfants. » La mise en garde était acceptable. A la limite. Mais la suite s’embourbait dans l’amalgame, la désinformation, l’aveuglement. Barnavi assénait, somme toute, que l’homo musulmanus (si je puis me permettre) est ontologiquement réfractaire à la tolérance, à la démocratie, au rationalisme. La magnifique civilisation cordouane, où juifs, chrétiens et musulmans avaient cohabité pacifiquement pendant des décennies ? Un accident de l’histoire, une incongruité. Bref, le livre devenait un appel au soulèvement des consciences, en Europe, aux Etats-Unis, il faut soutenir Israël, serrer les rangs, s’armer, s’apprêter à soutenir le choc des civilisations cher au dogmatique et si réducteur Huntington : «  L’Occident démocratique est en guerre contre une idéologie globale qui entend user du terrorisme à une échelle inédite afin de le mettre à mort. » Car, pour Barnavi, le combat contre le fondamentalisme musulman sera la grande affaire du XXIe siècle. Pas l’émergence des superpuissances chinoise et indienne. Pas le dérèglement climatique. Pas la résurgence des fascismes. Pas… Non. Occident contre Proche-Orient. Le Bien contre le Mal ! On croirait entendre Bush !

J’ai cherché qui était l’auteur.

Elie Barnavi.

Un juif. Mais j’ai la plus grande sympathie pour tant et tant d’artistes et intellectuels juifs. La culture juive, avec son exploration des interprétations, ne nous a-t-elle pas, avec la pensée grecque, menés vers la démarche intellectuelle la plus pure, la plus belle ?

Un Israélien. Mais tant de cinéastes, notamment (voir Valse avec Bachir, Lebanon, Les citronniers, etc.), tant de savants (dont les Nouveaux Historiens, le brillant archéologue Finkelstein, etc.) ne nous ont-ils pas prouvé l’esprit d’ouverture des élites intellectuelles du jeune Etat ?

Un ancien ambassadeur d’Israël. Ah. Là, voilà qui changeait la donne. Car la politique et l’honnêteté intellectuelle ne font pas nécessairement bon ménage. Mais. Plusieurs journalistes français présentaient Barnavi comme un homme ouvert au dialogue, critique envers les siens. Ca m’a semblé très perturbant. Car si Barnavi passait pour une colombe, un modéré, que pensaient donc les faucons israéliens ? Un excellent ami juif m’a pourtant un jour révélé, aux détours d’une conversation, que cet Elie était son ami, qu’il vivait désormais dans notre voisinage. A l’entendre, c’était un homme adorable, pacifique, généreux.

Il ne faut jamais sombrer dans l’amalgame et la réduction. Un homme ne peut-être limité, cliché à l’une de ses idées, à l’une de ses œuvres. Il est donc très possible qu’un jour mon ami me propose d’aller manger avec Elie Barnavi. Et qui sait ? Mais je demeure convaincu qu’il a commis un ouvrage pernicieusement générateur de peur, de violence, d’ostracisme et, plus critiquable encore pour une œuvre littéraire ou intellectuelle, PROPAGANDISTE.

(article commandé et publié par la revue Indications en 2011)

UN ALBUM ROCK À PARTAGER ?

UN album à partager ? A faire découvrir à mes lecteurs ?

S’il s’agissait de plébisciter les plus belles musiques de tous les temps, je songerais aux sonates de Beethoven, aux opéras de Mozart et Wagner, aux passions de Bach, aux nocturnes de Chopin, à tel oratorio, à tel requiem, à tel quatuor…

Mais on parle de musique moderne. Ce qui veut dire pour moi, pop et rock, sous toutes leurs formes. But what ? Evoquer un disque qui a changé l’histoire de cette forme musicale, à l’instar d’un Sergent Pepper (Beatles) ? Ou alors un album définitif, magistral ? Comme Dark side of the moon ou The wall (Pink Floyd) ?

Ou alors ? Privilégier la musique qui me parle le plus, celle où se lovent mes secrets, l’énigme de mon être, ma Rosebud somme toute ? Dans ce cas… Oui. Je ne puis hésiter. D’ailleurs, il m’est arrivé deux fois dans la vie, vers mes 20 ans puis vers mes 30 ans, de croiser de véritables docteurs ès rock, des gars qui avaient écouté des milliers et des milliers de LP, de CD pour en arriver à la même passion, la même prédilection… singulière, car reposant sur une association d’albums qu’ils jugeaient, comme moi, jumeaux, siamois. Et de fait… ils étaient sortis à quelques mois l’un de l’autre, la même année, ils avaient dû, quoique très différents, émerger d’une même matrice créatrice.

Mais, avant de vous livrer mon histoire, je voudrais glisser vers… la préhistoire de l’aventure. Mise en abyme de la vie car tout ce qui naît nécessite de multiples anticipations. La préhistoire donc, par un jeu de miroirs, qui renvoie à des éléments qui s’amalgament à tout jamais dans mon esprit.

Un matin. Au saut du lit. Par hasard. Je dois avoir 15 ou 16 ans. La radio de mon père. Je traverse le living. BANG ! Un faisceau de notes me submerge, jamais rien entendu de semblable, la foudre, un tsunami. Un ange m’a pris dans ses bras et m’emporte en direction du septième ciel. Somebody to love du groupe Queen. Le lyrisme extraordinaire du chanteur, les chœurs qui précipitent l’opéra au cœur du rock, la précision diabolique des instruments, le grand espace entre le vide et la luxuriance, la subtilité et le baroque le plus échevelé.

J’achète un album qui vient de sortir (News of the world) puis un autre, le précédent (A day at the races), je range mes Beatles et autres teams des sixties aux oubliettes, je plonge (enfin !) dans les seventies. Et puis je me documente, je me mets à lire les rubriques rock, les commentaires des critiques me font rêver, nourrissent des appétits et… m’irritent aussi, parfois prodigieusement, car ces passionnés massacrent mes musiciens préférés, évoquent une perte de créativité, de puissance. Alors qu’ils n’ont jamais été si populaires, leurs hymnes We are the champions ou We’ll rock you entamant un tour du monde… et des stades. Je lis des allusions à une période plus brillante, un âge d’or, à un morceau fabuleux. Quoi ? Plus fabuleux que Somebody to love ? Que mes parents mélomanes eux-mêmes respectent avec étonnement, eux qui se retranchent derrière Brel, Ellington ou Wagner.

Quelques mois plus tard, je me trouve au Danemark et j’écoute la radio locale, je n’y entends évidemment goutte, je parcours une revue de foot allemande en me limitant aux compos d’équipes, quand… BANG… des notes me happent, me déchirent sur place. Je reconnais une voix, des chœurs, une manière de jouer. Je sais. Immédiatement. C’est LA chanson dont ils parlaient. Eux, ces fichus critiques. Ca ne peut être que ça. Enorme. Je file vers le huitième ciel, dont je ne soupçonnais pas l’existence.

De retour en Belgique, j’épluche tous les articles, je retranscris le nom des albums conseillés, j’emprunte des sous à ma sœur pour m’acheter celui qui enserre la bombe Bohemian Rhapsody, mon enthousiasme explose. Pour l’incroyable pièce montée en trois étages qui synthétise le romantisme des Beatles, le lyrisme et les chœurs de l’opéra italien, les envolées instrumentales de la musique progressive, l’héroïsme du hard-rock. Je perçois que… oui… cet album est très supérieur, plus compact, plus lyrique, plus créatif que les deux précédents. Pourtant, un détail me frappe, le morceau-phare phagocyte l’ensemble. Il y a bien sûr un magnifique Love of my life et quelques jolis passages mais.

Fin des prémices. Nous sommes sur le seuil de l’Histoire. Mon histoire.

Je remonte le temps. Achète deux albums plus anciens, Queen II et Sheer hearth attack, dont les noms avaient été avancés avec déférence dans mes sacro-saintes rubriques.

Je me retire et écoute. La consternation ! Des enchevêtrements d’instruments et de voix, des compositions confuses, alambiquées. Mais je réécoute. Et encore. Et soudain… Saint Paul sur le chemin de Damas, Mahomet sur le mont Hira, Archimède dans sa baignoire, Newton sous son pommier, Darwin aux Galapagos. La révélation ! L’illumination !

Incroyable mais vrai. D’un instant à l’autre, je suis passé de la stupeur à l’adulation, quasi de la première à la dernière note. Des deux œuvres. Comme si elles ne formaient qu’un seul et même double album. Alors que le recul, longtemps plus tard, me permettra de discerner une face blanche douce et suave (White queen), et une face noire… sombre (sic !), ravagée, flamboyante (March of the black queen, Fairy feller’s…, Ogre battle) sur Queen II. Un melting-pot de saveurs sur Sheer hearth attack, qui nous fera voyager du hard-rock (Now I’m here) au cabaret (Killer queen), de l’opéra (In the lap of the gods) au music-hall (Bring back that Leroy Brown), de la ballade (Don’t you misfire) ou de la comptine (Lily of the valley) à une frénésie qui annonce le punk ou le trash-metal (Stone cold crazy).

Queen II et  Sheer hearth attack, sortis en 1974, seront à tout jamais, pour moi, indissociables. Une sorte de château du Graal ou d’Eden. J’y ai découvert le paradis musical, non pas mes morceaux préférés, qui resteront les précités et bien d’autres, mais un univers sonore, un patchwork de sensations qui me correspondent pleinement, les voix, les instruments, les rythmes que je voudrais planter ad vitam au plus profond de mon âme, le sourire de la Joconde mué en notes, en sons. Mon paysage idéal. Un liquide amniotique.

Je voudrais refaire l’histoire de la musique. Extraire Somebody to love et Bohemian rhapsody de leurs socles-albums trop étroits, les replanter dans ceux-ci, leur écrin idéal, sous mes pochettes préférées, écho l’une de l’autre, ces portraits des musiciens aux accents gothiques ou glam, faces disposées en croix maquillées, inquiétantes, provocantes, troublantes. La cerise et le gâteau. Les deux cerises sur les deux gâteaux.

Refaire l’histoire du goût aussi. Car les succès de Queen, accolés à une production plus commerciale sinon dévoyée, à un leader charismatique aussi (Freddie Mercury), ont éclipsé la partie la plus originale, féconde, passionnante de leur trajectoire. Et ils sont aimés ou détestés pour des raisons bien éloignées de ce qui fit leur exemplarité la plus essentielle. Mais n’est-ce pas le cas de la plupart des artistes ? Que le grand public, mis en appétit par l’écho, finit par rencontrer quand ils se réduisent, se simplifient, se vulgarisent ?

En tous les cas, Queen II et Sheer hearth attack, au-delà de l’extase musicale, auront doublement changé ma vie. D’une part, ils ont allumé des appétits pour des formes musicales plus élaborées, des sonorités plus pures qui m’ont un jour conduit à plonger dans Purcell ou Haendel, Verdi ou Wagner. Par ailleurs, ma découverte de Queen et l’étude comparative, l’analyse qui s’ensuivirent m’ont convaincu définitivement de l’importance de la critique, de la nécessité de ces allumeurs de réverbères… dont j’ai un jour et en ces pages rallié les rangs. Car, romancier avant tout, je demeure persuadé que le bon critique n’est pas un ennemi mais un regard qui enrichit, approfondit, éveille, suscite, propulse, accompagne.

Je remercie ces critiques rock (notamment l’équipe mythique du Moustique des années 70-80!) qui m’ont appris à… apprendre, et donc à vivre, et ce bien mieux que la majorité de mes professeurs d’athénée ou d’université.

(article commandé et publié par la revue Indications en 2012)

Frédéric SAENEN parle de notre site LIBER AMICORUM

Dans la prestigieuse Revue générale, où il tient une rubrique Ego lector , Frédéric Saenen, en mars 23, consacre un long développement élogieux au projet mémoriel initié par Vincent Engel : « Comme toutes les belles et nobles idées, le site Liber Amicorum a été créé sous le signe de la gratuité. Discrètement, humblement, l’écrivain Vincent Engel, aidé par celles et ceux qui acceptent d’être responsables d’une page, fait œuvre de passeur en proposant d’ouvrir des espaces dévolues au salut, à l’hommage, à l’amitié par-delà. Les destinataires des textes qu’il s’attache à rassembler sont les écrivains belges d’expression française nous ayant récemment quittés. Rien de funèbre ni de glacé dans ce qui aurait pu être une énième nécropole virtuelle, et que l’impeccable professionnalisme de son créateur et de ses contributeurs fervents (tel Philippe Remy-Wilkin) a d’emblée transformé en mémorial d’intérêt public. Les visages, creusé de Marcel Moreau, chaleureux de Werner Lambersy, espiègle de Marc Danval, franc de Jacques De Decker, déterminé d’Irène Kaufer, de tant d’autres trop tôt ravis, composent la galerie d’ouverture et nous lancent un regard qui confirme la complicité nous liant toujours à eux, malgré l’absence. L’absence ? Mais non, ils sont là, et le chorus des voix rassemblées pour chacun leur rend densité et étoffe, dans un dialogue qui n’est pas près de s’éteindre. On remercie. »

DEUX BONNES TABLES EN MAURIENNE !

Deux bonnes adresses en Haute-Maurienne (25/7/21)

. Lors d’un séjour à Bramans (Vanoise, Savoie, Alpes) en juillet 2021, nous avons tous trois (notre fils nous a rejoints quelques jours) beaucoup apprécié La gamelle du soldat, un snack bar/glacier situé dans la redoute Marie-Thérèse, au bas du site des Forts de l’Esseillon. Nous y sommes d’ailleurs retournés (1h à pied via le Chemin du Petit Bonheur depuis le cœur du village de Bramans, où nous résidions). Le responsable, Marc Leconte, était particulièrement convivial et spirituel, le menu du jour était remarquable (diots relevés d’une sauce très fine, exquise, etc.). Voir la cour intérieure du fort, où nous avons mangé (Marc dans l’image) : http://www.maurienne.fr/fr/il4-commerces,services_i5436018-la-gamelle-du-soldat.aspx

Plats servis (photo de Gisèle RW) : https://mail.google.com/mail/u/0?ui=2&ik=64b530c641&attid=0.1&permmsgid=msg-f:1706285147982005963&th=17adf14d42fe06cb&view=att&disp=safe&realattid=17adf1463859b4a5d121

. Lors d’une visite du village de Termignon, nous avons déjeuné dans un restaurant gastronomique adossé à l’hôtel L’Outa. Une sacrée découverte ! Les patrons et leur personnel sont jeunes et conviviaux, les plats (andouillette, agneau, etc.) exquis, raffinés. Le tout arrosé de Triple Karmeliet… comme à la maison ! Et il y avait à tout instant un plaisir visuel des plats servis. Il avait fallu deux heures pour y arriver depuis Bramans mais on a décidé d’y repasser depuis Lanslevillard (plus de 2h cette fois). Voir : https://fr.tripadvisor.be/Hotel_Review-g657859-d2424450-Reviews-Hotel_Restaurant_L_Outa-Termignon_Val_Cenis_Savoie_Auvergne_Rhone_Alpes.html  

Ou :  https://hotel-outa.com/le-restaurant/

Un plat servi (photo de Gisèle RW) :  https://mail.google.com/mail/u/0?ui=2&ik=64b530c641&attid=0.1&permmsgid=msg-f:1706284906923321094&th=17adf11522c66706&view=att&disp=safe&realattid=17adf10b170

Bonne année 2025 !

En ces temps maussades et barbares, qui rappellent un peu trop les années 30, SURSUM CORDA !

De toute manière, le monde a toujours mal tourné et il y a toujours eu partout beaucoup de menteurs, d’assassins, de violeurs, de manipulateurs, de comploteurs, de jaloux, etc.

Suffit de lire les récits de naufrages et j’ai rédigé une histoire de ceux-ci pour être édifié, si je puis dire, sur la nature humaine.

MAIS !

La lumière, portée toujours et partout par une poignée, survit à toutes les vagues de ténèbres et persiste, se transmet, voyage, génère des foyers du Beau, du Bien, du Bon…

A tous ceux et celles qui apportent leur obole à un mieux-vivre autour d’eux/elles, nous souhaitons une…

image.png